1884a(43)

    Lecture 43. L'idée - Le terme - Le jugement - La proposition

    1. De l'idée et du terme
      1. L'idée
      2. Le terme
      3. La compréhension et l'extension
      4. Loi de leur rapport
    2. Du jugement et de la proposition
      1. Le jugement
      2. La proposition -- Les trois termes
      3. La copule a-t-elle une valeur objective?
    3. Classification des propositions
      1. Au point de vue quantitatif
      2. Au point de vue qualitatif
      3. Aux deux points de vue réunis
    4. De la conversion des propositions
      1. Définition de la conversion
      2. Règles de la conversion

    Lecture 43. L'idée - Le terme - Le jugement - La proposition

    Toute vérité s'exprime au moyen d'un jugement, et tout jugement est formulé par une proposition. Le jugement est formé d'idées, la proposition de termes.

    L'idée est un acte de l'esprit représentant un objet déterminé; toute idée est une représentation. Le terme c'est ce qui signifie l'idée, par conséquent, on pourra affirmer de l'idée tout ce qu'on dira du terme; mais comme le terme peut n'exprimer qu'une partie de l'idée, on ne pourra pas toujours affirmer du terme ce qu'on affirme de l'idée.

    Les termes sont généraux quand ils expriment une idée générale, particuliers dans le cas contraire.

    Dans les termes généraux, deux caractères: la compréhension, ensemble des caractères qui distinguent l'idée représentée de toute autre. L'extension au contraire est l'ensemble des individus qui présentent ce ou ces caractères.

    L'extension et la compréhension sont soumises à une loi qu'on énonce ainsi: "L'extension est en raison inverse de la compréhension."

    En effet, si les caractères sont nombreux, petit sera le nombre des sujets qui les présentent. Réciproquement, s'il y a plus de sujets, c'est que l'idée présente moins de caractères distinctifs, et vice versa.

    La limite supérieure de la compréhension est l'infini, la limite inférieure de l'extension est l'unité. En effet quand une idée a une compréhension infinie, c'est-à-dire exprime un nombre infini de caractères, elle ne peut s'appliquer qu'à un seul individu: il ne peut y en avoir deux qui aient, sans se confondre, un nombre infini de caractères communs.


    Un jugement est un rapport entre deux idées. La proposition examine ce rapport à l'aide de mots. Tout jugement se compose de trois idées, toute proposition par conséquent de trois termes:

    1. Sujet
    2. Attribut, ou prédicat, affirmé du sujet
    3. Copule, servant de lien entre ces deux premiers termes, exprimant que le premier convient au second. La copule employé est toujours le verbe être.
    Quel est le sens exact de la copule? On s'est demandé souvent si le verbe être employé ainsi affirmait une existence objective, ou seulement une opinion subjective. Mais tout jugement est subjectif. Quand je dis Dieu est bon, je ne fais rien de plus qu'affirmer que le prédicat "bon" convient au sujet "Dieu" toute idée d'existence mise à part. La copule ne marque jamais en réalité qu'un rapport de convenance ou de disconvenance entre deux idées, sans rien affirmer de l'existence objective de ce rapport [Cf. Psychologie XXIX, B, p.].


    Les jugements peuvent être considérés, soit au point de vue qualitatif, soit au point de vue quantitatif. La quantité d'un jugement est ce qui fait qu'il est universel ou qu'il est particulier. La proposition universelle est celle dont le sujet est pris dans toute son extension: "Les hommes sont mortels" -- "Nul homme n'est immortel". Dans les deux cas, le mot homme est pris dans sa plus vaste extension. La proposition particulière est celle où le sujet est pris d'une partie seulement de son extension: "Quelques hommes sont intelligents". On distingue quelquefois sous le nom de proposition singulière une variété des propositions universelles, celle où le sujet est un nom propre.

    Au point de vue qualitatif on distingue les propositions affirmatives ou négatives. "Tout homme est mortel." "Nul homme n'est immortel."

    Toute proposition possède à la fois la qualité et la quantité. En combinant ces données on obtient les quatre sortes de propositions suivantes, que la scolastique désignait par les lettres A, E, I, O.

    1. Proposition universelle affirmative A
    2. Proposition universelle négative E
    3. Proposition particulière affirmative I
    4. Proposition particulière négative O
    Cette figuration est commode pour la théorie du syllogisme. Elle est exprimée dans les deux vers:

    Asserit A, negat E, verum generaliter ambo;

    Asserit I, negat O, sed particulariter ambo.


    On appelle conversion d'une proposition la transposition du sujet et de l'attribut, la proposition demeurant vraie, par exemple: "Tout homme est un animal = certains animaux sont des hommes."

    Voici les règles qui déterminent la nouvelle quantité de la proposition:

    La proposition universelle affirmative devient particulière affirmative. En effet l'attribut étant dans la première forme plus vaste que le sujet, il faut qu'il le soit moins dans la seconde.

    La proposition particulière ne change pas de quantité. "Quelques hommes sont mortels = quelques mortels sont hommes". Attribut et sujet ayant tous deux une extension restreinte se remplacent sans changements.

    La proposition universelle négative ne change pas non plus: "Nul animal n'est pierre. Nulle pierre n'est animal".

    Enfin la proposition particulière négative est inconvertible: "Certains vicieux ne sont pas riches" ne peut devenir "certains riches ne sont pas vicieux".


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