1884a(44)

    Lecture 44. De la définition

    1. Qu'est-ce qu'une définition
      1. Les définitions de mots et de choses
      2. Il n'y a que des définitions de choses
    2. Des différentes sortes de définition
      1. Définition par génération
      2. Définition par compréhension
      3. Définition par extension
    3. Règles de la définition
      1. Toute définition doit être:
        1. courte
        2. claire
        3. adéquate à l'objet

    Lecture 44. De la définition

    La définition est une proposition qui a pour objet de nous faire connaître la nature de la chose définie. Cette proposition doit pouvoir être convertible sans que la qualité ni la quantité en soit changée: extension et compréhension doivent être égales dans le sujet et dans l'attribut: "Tout homme est un mammifère bimane = tout mammifère bimane est homme".

    On a distingué deux sortes de définitions: la définition de choses, et la définition de mots.

    La définition de choses fait connaître la nature de la chose définie; la définition de mots fait connaître le sens des mots qu'on emploie. Suivant les logiciens de Port-Royal, qui ont fort insisté sur ce sujet, ces deux définitions sont si différentes qu'elles n'obéissent même pas aux mêmes lois: tandis que la définition de mots est indifférente, arbitraire, et qu'on peut en l'expliquant employer, dans un sens quelconque, tel mot que l'on veut, la définition de choses est tenue d'expliquer la chose donnée et ne peut être arbitraire. La première est donc incontestable, la seconde peut être fausse, et mise en discussion.

    Cette distinction est-elle fondamentale? Il ne nous semble pas qu'il y ait deux sortes de définitions: quand on définit quelque chose, comme quand on définit un mot, c'est seulement l'idée d'une chose qu'on exprime par un terme. Comment admettre que "La géométrie est la science des grandeurs" est une définition de choses, bien différente de ce qu'elle deviendrait si à géométrie je substituais un autre mot? Port-Royal distingue le sens ordinaire du mot, et voit une définition de choses là où le mot défini a ce sens ordinaire. Mais c'est là une distinction bien vague. De plus, ajoute-t-il, les définitions de mots peuvent être pris pour points de départ d'une déduction, ce que ne peut faire la définition de choses. Mais s'il y a des définitions qui se prouvent et d'autres qui peuvent servir de fondement, c'est seulement que ces derniers sont évidents, et que les autres ne le sont pas.

    Il n'y a donc qu'une seule espèce de définition, qui est les définitions de choses. Voyons maintenant les divers modes de définition.

    Une manière souvent employée pour définir les choses est d'expliquer comment elles se sont formées. C'est la définition par génération. Exemple: le cylindre est le volume obtenu par un rectangle qui tourne autour d'un de ses côtés.

    Ce mode de définition est le plus parfait. En effet, quand nous savons comment la chose est faite, nous la connaissons parfaitement, nous pouvons la reproduire à volonté.
    Mais cette espèce de définition ne convient qu'aux choses assez simples pour que l'esprit puisse les posséder toutes entières, aux choses des mathématiques, simplifiées, pourvues de qualité, construites par l'esprit lui-même. Pour les définir par génération l'esprit n'a qu'à regarder la manière dont il procède quand il les construit.

    Mais les choses concrètes, ce n'est pas nous qui les faisons; il nous est donc bien plus difficile, impossible même, de les définir par génération. On les définit alors par compréhension, en énumérant tous les caractères. Si je veux définir l'homme, je dirai que c'est un être, un vertébré, un mammifère, un bimane. Parmi ces caractères il en est de plus ou moins généraux. Les seconds supposent les premiers. Point ne sera donc besoin de les énumérer tous. Il suffira d'indiquer le caractère le moins général appartenant à l'individu à définir. Puis, outre ce caractère, nous en indiquerons un autre distinguant son espèce de toutes les autres. Nous dirons ainsi que l'homme est un mammifère bimane. C'est la définition par genus proximum et differentiam specificam.

    Enfin l'idée peut être considérée au point de vue de l'extension, en énumérant toutes ses formes. Ainsi pour définir les sciences mathématiques, on les énumérera tous. Ce mode est le plus défectueux de tous, car outre qu'on ne peut être sûr d'être complet en l'employant, une définition ainsi faite a toujours une longueur qui nuit à sa netteté.

    Toute définition doit être courte, claire. Ces deux conditions sont exigées par la nature même de la définition, qui est de rendre les choses parfaitement intelligibles à l'esprit. La troisième règle est que la définition soit adéquate à l'objet, c'est-à-dire comprenne tout le défini et rien que le défini.


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