Qu'entend-on par le mot de Dieu? Il a été pris dans bien des acceptions différentes, qui ont ceci de commun, de désigner un être supérieur aux êtres ordinaires. Mais une définition aussi vague ne saurait nous suffire: pour nous, Dieu, c'est l'absolu. L'absolu c'est ce qui existe en soi et par soi, en dehors de toute relation. S'il existe, c'est un être qui n'est limité par aucun autre être, qui n'est déterminé par rien d'extérieur à lui, qui se suffit pleinement et parfaitement. Se demander si Dieu existe, c'est se demander quelle raison nous avons d'admettre l'existence de l'absolu.
Bien des démonstrations ont été tentées dans ce sens. On les a quelquefois divisées en preuves a priori et a posteriori. Mais cette division est trop inégale; la presque totalité des preuves de l'existence de Dieu est a posteriori. On les a encore divisées en preuves métaphysiques ou a priori, et l'on a fait deux classes des preuves a posteriori: les preuves physiques qui empruntent leurs éléments à l'observation extérieure; et les preuves morales, qui empruntent les leurs à l'observation interne. Mais ce que cette classification nomme les preuves physiques n'ont de valeur que si elles ont une portée métaphysique; comme les preuves a priori, elles ont pour principal ressort les principes rationnels. Nous diviserons donc les preuves de l'existence de Dieu en deux classes seulement: les preuves métaphysiques et les preuves morales. La suite de cette étude nous montrera bien la nécessité de cette distinction.
Examinons donc les preuves métaphysiques de l'existence de Dieu. La définition que nous en avons donné va nous permettre d'introduire de l'ordre dans l'exposition de ces preuves. Dieu, c'est l'absolu. Les preuves de son existence devront donc montrer que le relatif ne se suffit pas à lui-même, que les phénomènes réclament pour s'expliquer autre chose qu'eux-mêmes. Mais on peut considérer le monde sous autant de points de vue distincts qu'il y a de principes rationnels. Toute preuve métaphysique aura donc pour objet de montrer que les phénomènes ne se suffisent pas à l'un de ces points de vue. Les principes rationnels les plus généralement employés à cette démonstration sont les principes de perfection ? que nous n'avons pas admis comme réellement a priori [Cf. Psychologie XX, D, pp. (..)] ? les principes de causalité et de finalité.
Ces preuves sont au nombre de deux. La première, proposée pour la première fois par St. Thomas d'Aquin, se retrouve dans Descartes. Nous remarquons qu'il y a des êtres plus ou moins bons, plus ou moins parfaits. Or cela suppose qu'il y a une perfection idéale à laquelle nous mesurons tout le reste. Comment apprécier ces perfections relatives sinon en les comparant à une perfection absolue? Il y a donc en nous l'idée d'une perfection absolue. Or cette idée ne peut nous venir que d'un être parfait, de Dieu. Pour établir que la cause que cette idée est réellement un être parfait, Descartes part de ce principe que nous nous réservons d'examiner, qu'il doit toujours y avoir au moins autant de réalité dans la cause que dans l'effet.
La seconde preuve est la preuve ontologique ? St. Anselme, Descartes, Leibniz ? Voici cette preuve sous sa première forme: Dieu est tel qu'on ne peut concevoir d'être plus grand que lui; or, s'il n'existait pas, on pourrait concevoir un être qui lui serait supérieur en ce qu'il aurait de plus que lui l'existence; donc, Dieu doit exister.
A cette comparaison quantitative, Descartes substitue des comparaisons qualitatives: j'ai, dit-il, l'idée d'un être souverainement parfait: or, la première et la plus nécessaire des perfections est l'existence; donc Dieu existe.
Le type de toutes les preuves de l'existence de Dieu qui auraient pour base le principe de causalité est le raisonnement aristotélicien. Tout ce qui est en mouvement est mû par quelque chose: mais ce quelque chose dans tous les moteurs que nous connaissons est lui-même mû par autre chose. Il faut donc qu'il y ait en dehors de ce que nous connaissons un premier moteur d'où vienne le mouvement, il faut trouver un terme d'où dérivent les autres, il faut s'arrêter [Greek]. Or, à quelle condition pourra-t-on s'arrêter? A cette condition que le premier moteur tire son mouvement de lui-même, en donne sans en recevoir.
C'est un argument du même genre que Clarke a proposé sous le nom de preuve a contingentia mundi. Cette preuve peut se diviser en deux moments:
Il y a deux manières d'exposer cette preuve: ou bien on se place dans l'abstrait, et sans s'occuper de ce qui nous est donné dans l'expérience, on établit au nom du principe de finalité l'existence d'une fin suprême, de Dieu; ou bien on part de certains faits donnés dans l'expérience et qui semblent ne pouvoir s'expliquer que si l'on admet l'existence d'une intelligence qui ait disposé le monde en vue d'une fin.