Il nous faut déterminer maintenant quelle est la nature de ce Dieu dont nous venons de déterminer l'existence, c'est-à-dire ses qualités ou attributs. Pour cela, deux méthodes s'offrent: la première procède par analogie et attribue à Dieu, en les élevant à la perfection, tous les attributs des êtres imparfaits: Elle provient de ce principe qu'il doit y avoir au moins autant de réalité dans la cause que dans l'effet. Or, c'est là une idée que nous avons déjà réfutée. Nous ne pouvons donc admettre cette méthode.
La seconde consiste à partir de la définition de Dieu et à chercher quelles sont les conditions des attributs que lui prête cette définition, cette seconde méthode est une simple déduction, c'est elle que nous suivons.
On distingue deux sortes d'attributs; les attributs métaphysiques et les attributs moraux. Les premiers nous représentent Dieu comme être en géneral, les seconds nous représentent Dieu comme une personne.
C'est ici qu'on emploie surtout la méthode d'analogie, par une sorte d'anthropomorphisme qui donne à Dieu comme à l'homme une sensibilité, une intelligence, une volonté. Tout en rejetant cette méthode, la déduction ne peut pas nous servir; la notion toute métaphysique de l'absolu ne peut pas nous donner des attributs moraux. Mais nous connaissons encore Dieu comme cause de l'harmonie entre le bonheur et la vertu; par là nous arrivons aux attributs moraux.
Dieu est omniscient, afin de pouvoir juger les hommes en parfaite connaissance de cause. En outre il est omnipotent, afin de pouvoir exécuter sans obstacle ses jugements. La nature est absolument amorale; pour la forcer à se mettre d'accord avec la morale, il faut évidemment disposer d'une puissance sans bornes. En troisième lieu, il faut que ce juge suprême soit absolument impartial, c'est-à-dire qu'il soit parfaitement équitable. Enfin, la liberté de Dieu nous apparaît à la fois comme une condition de cette magistrature supérieure et comme une conséquence de sa nature métaphysique. Pour rendre ses jugements avec une justice parfaite, il faut qu'il soit soustrait à l'action de toute cause extérieure et d'autre part aucune cause extérieure ne peut agir sur lui puisqu'il est absolu.
Ces attributs moraux nous font voir Dieu comme une personne et constituent la personnalité divine. On a dit quelquefois qu'il y avait contradiction entre les attributs métaphysiques et moraux de Dieu. Les uns nous font concevoir Dieu comme personnel et les autres comme impersonnel. L'objection serait valable si nous avions entendu par infini l'infini en extension, mais c'est comme infini en compréhension que nous comprenons Dieu; l'infinité divine n'est alors qu'une autre forme de son caractère d'absolu. De même pour ce qui est de la perfection: il y aurait contradiction si la perfection que nous avons admise n'était que la réunion de toutes les qualités réelles et possibles portées à leur maximum d'intensité. Mais pour nous parfait est presque synonyme d'absolu; or, il n'y a nulle contradiction entre l'idée de personnalité et celle de l'absolu; tout au contraire la personne parfaite a pour idéal l'absolu.